mardi 21 juin 2011

Rallye de Grèce - Citroën : l'épilogue d'un pataquès

Après enquête, nous pouvons affirmer que les conséquences de l'ES13 grecque de samedi soir sont bien moins dramatiques que redoutées à l'origine. Voici pourquoi Citroën n'a pas agi contre Loeb, et pourquoi Ogier a juste eu le tort d'abattre la carte tactique.
L'équation
A l'issue de l'ES12, samedi, Ogier est leader avec 15.1 secondes d'avance sur Loeb. "Ça n'est pas suffisant, il va falloir que j'attaque encore dans la dernière pour creuser l'écart", prévient le Gapençais. Citroën l'a informé qu'il a besoin de 5 sec de plus pour balayer dimanche avec une chance d'en conserver un reliquat. En revanche, Loeb n'a aucune marge de manœuvre puisqu'il roule devant lui. Tout juste peut-il penser à ralentir pour se caler derrière Solberg au classement général. Le Norvégien n'est d'ailleurs pas loin derrière : 3e à 22.6 secondes.
Le risque
Pour Ogier et Loeb, c'est celui de jouer avec le feu par rapport à Hirvonen. En supposant que Loeb perde volontairement au moins 7.5 sec pour passer derrière Solberg au classement général et qu'Ogier décide d'en perdre au moins 7.5 + 15.1 secondes pour glisser derrière ces deux là, Hirvonen peut facilement rafler la mise : en roulant à bloc, il reprend donc 22.6 secondes aux Citroën boys et se replace à 12.8 sec au classement général, toujours au 4e rang. Du coup, il devient le grand favori pour la victoire finale.
L'ES13 : Ogier tout sauf sûr de lui
Solberg s'enfonce le premier dans la nuit grecque, Loeb lui emboîte le pas, puis Hirvonen et Ogier. Dans des circonstances curieuses : sa DS3 n°2 ne transmet pas ses chronos partiels et ne reçoit pas non les splits adverses. A mi-parcours, Citroën informe simplement l'équipage qu'il est pile dans les temps de la DS3 n°1. L'équipe agit sans calcul ni arrière pensée, sans dicter sa conduite à Ogier. Mais ce dernier connaît l'alternative : attaquer encore plus pour aller chercher les fameuses cinq secondes ou lever le pied pour rétrograder 2e. Ogier, qui n'aura pas d'autres partiels de Loeb, opte pour la seconde solution.
A l'arrivée de la spéciale, Ogier est informé par le speaker de la radio du WRC de son chrono, mais il ne comprend pas où ça le place par rapport à Loeb. "Je ne sais pas... C'était très difficile... Je DOIS gagner. Il y avait beaucoup de poussière, j'ai préféré ne pas trop attaquer", bredouille-t-il... Pas à l'aise, et dans le flou le plus total... Il ignore dans ces quelques secondes qui suivent son arrivée que son plan est couronné de succès. Le "Je DOIS gagner" signifie qu'il avait en tête de lâcher plus de 15 secondes sur une seconde partie de secteur uniquement parcourue en reconnaissance. Et sans idée de ce que Loeb a pu faire. Finalement, il cède 17.3 secondes à Loeb et se replace 2e au général, à 2.2 secondes du septuple champion du monde…
L'équipe Citroën a-t-elle choisi son camp ?
Non, contrairement à l'idée répandue et à l'impression de Loeb. L'équipe avait indiqué à Ogier son estimation sur les effets du balayage dimanche. Charge à lui de choisir l'option offensive ou défensive… Loeb a voulu savoir ce qu'il se tramait avant le départ de l'ES13. Quesnel ne lui a rien dit, tout simplement parce qu'il avait laissé Ogier libre d'agir.
Un pilote peut-il déconnecter ses splits ?
Les voitures de Latvala, Solberg et Loeb n'avaient pas transmis tous leurs splits en début de rallye, vendredi. Le fait qu'Ogier ne recevait pas ses splits ni celui des autres lève le doute sur toute manipulation intentionnelle : il n'y avait aucun intérêt puisqu'il roulait après ses trois adversaires. Il aurait préféré les avoir pour les "couvrir" à coup sûr.
Par ailleurs, les splits font partie des informations de la géo-localisation d'une voiture, en temps réel. Les équipes suivent en temps réels leurs autos. Sur un écran, un point vert matérialise en permanence l'avancée des véhicules. Un point passe au rouge si le véhicule s'arrête. L'organisation du rallye est à l'affût du moindre accident et est prête à mobiliser les secours. Les équipes, les pilotes et les copilotes sont des acteurs responsables et ne jouent pas à cache-cache avec des informations aussi capitales
L'erreur de Loeb
L'Alsacien a réagi à chaud samedi soir, maniant l'ironie dans une colère rentrée. L'équipe lui a ensuite expliqué qu'Ogier avait abattu une carte qu'il n'avait pas dans son jeu. La question lui a alors été posée: dans la situation d'Ogier, qu'aurais-tu fait ? "J'aurais fait la même chose", a-t-il répondu. Le Français a abordé le sujet différemment dimanche, en expliquant qu'il n'avait plus le statut de pilote protégé, et que c'était la fin d'une époque. Ogier a depuis cette année les mêmes droits contractuels.
L'erreur d'Ogier
Il a été dans le beau rôle sur la route vendredi et samedi, et voulait gagner en tacticien face à un adversaire qui avait fait le sale boulot pour lui. Il a aussi révélé son intention d'attaquer dans l'ES13 et s'est déjugé. Il a été perçu comme un ingrat, et l'écrasante majorité des fans de rallyes a prouvé son attachement indéfectible à Loeb en se déchaînant un peu partout…
L'erreur de Quesnel
Avoir passé au Mexique la consigne à Loeb de ne pas attaquer Ogier sur l'étape 3. En fait, le grand public n'a jamais compris pourquoi le directeur de l'équipe avait voulu arbitrer le duel entre ses Seb si tôt dans la saison ; au 2e des 13 rallyes 2011. Sa décision a fait de lui un pro-Ogier aux yeux de beaucoup. Son initiative a été interprétée comme une tentative de museler Loeb, et une décision contraire à l'esprit du sport qui voulait que la bataille aille au bout.
A sa décharge, Hirvonen avait gagné la 1re manche du Mondial, en Suède, et pointait 3e à 1 minute 30 le samedi soir, après la 19e des 22 spéciales. Le manager français ne voulait donc qu'une chose : stopper la bagarre entre ses pilotes pour assurer le doublé. Les faits ont confirmé sa crainte : Ogier a abandonné sur sortie de route.
Les conséquences
Loeb a acté qu'il n'était plus n°1, sans être pour autant devenu un n°2. Il n'est plus "protégé" et c'est un changement considérable pour lui, après avoir eu des coéquipiers altruistes comme Sainz, Duval, Sordo et Ogier jusqu'à l'année dernière. Réaliser une telle chose fut un choc, mais cela ne signifie pas qu'il y a brouille avec Ogier.
Il n'est pas non plus du genre à se désunir : il a 17 pts d'avance sur Hirvonen, 22 sur Ogier à six rallyes de la fin ; dont trois "asphalte" qui lui seront sauf coup de théâtre favorables. Il a 37 ans et n'a pas décidé de continuer ou stopper sa carrière. Un transfert chez Ford est extrêmement improbable : il aime trop Citroën pour courir contre son équipe de toujours, dans une équipe financièrement moins puissante donc moins capable de s'aligner en termes de développement. MINI présente pour l'heure encore moins de garanties et VW n'arrivera qu'en 2013…
Quant à Ogier, c'est simple : il avait signé fin 2010 pour 2011 et 2012 et 2013 en option, à la discrétion de Citroën. Satory lèvera sans nul doute l'option…
 Eurosport
http://fr.sports.yahoo.com/20062011/70/rallye-de-grece-citroen-l-epilogue-d-un-pataques.html

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